Le tableau dans la vitrine - Lettre à mon fils

Le tableau dans la vitrine



Un petit texte dédié à mon fils, Alexandre. J'en écrirai un pour ma fille bien évidemment!


Il n'avait, alors, que trois ans et demi.
Sur la route de la maternelle, à chaque passage, nous passions tous les deux devant un magasin de jouets qui se trouvait à quelques pas de l'établissement.
Et à chaque allée et venue, il fallait que nous nous arrêtions devant la vitrine.
Le nez collé sur elle, Alexandre bavait sur un objet : un tableau noir qui faisait bureau.
Les yeux grands ouverts, il était là, l'admirant sans relâche. J'avais des difficultés à le faire bouger de là!
Jusqu'au jour, où il me déclara : "Maman, il est beau ce tableau!"
A part acquiescer je ne pouvais faire grand chose, le prix était trop élevé, les temps étaient déjà bien difficiles...
"Il est trop cher, Alexandre. Maman ne peut pas de l'acheter, je suis désolée..."
Alors les yeux pleins de larmes, nous poursuivions notre chemin.
Cela dura des semaines entières. Je lui expliquais en ouvrant mon porte-monnaie :
"Regarde, Maman n'a que ces pièces et c'est pour t'acheter ton repas".
C'était malheureusement véridique.
Le temps passa. Mon fils m'arrachait les tripes. Alors, un beau matin, j'attendais l'ouverture du magasin, et proposa à la marchande de lui payer le tableau en plusieurs fois, ce qu'elle accepta.
L'après-midi, lorsqu'Alexandre vit le tableau avec une étiquette collée dessus, il me demanda ce qu'il y était d'inscrit.
"Vendu".
Il se mit à hurler, à pleurer, encore maintenant, les larmes me reviennent en revivant cet instant douloureux.
Je ne pouvais pas lui avouer que je lui avais réservé, car c'était une surprise...
- C'est mon tableau... C'est mon tableau, hurlait-il durant plusieurs jours.
- Non Alexandre, ce tableau n'est pas à toi, il est au magasin...
- Si il est à moi... Il est à moi...
Ce fut un samedi matin. Je pus enfin donner le complément du prix du tableau. La patronne me fit un magnifique papier cadeau.
Je ne vous raconte pas les hurlements, la crise de nerfs, lorsqu'Alexandre constata que "son tableau" n'était plus dans la vitrine...
Arrivés à la maison, je l'invitai à entrer dans sa chambre, en lui soulignant que je ne savais pas de quoi il s'agissait mais que quelque chose se trouvait dans sa chambre.
Il ouvrit la porte, resta immobile devant la paquet cadeau. Il me regarda.
"Ouvre Alexandre! Ce doit être pour toi...?"
Il commença délicatement à déchirer le papier cadeau...
Lorsqu'il découvrit que son tableau était bien, à présent, à lui!!!!!!!!
Il se mit à sauter en l'air, à pleurer de joie, à m'embrasser...
Plus jamais il ne le quitta. Il apprit seul à lire, écrire, compter à 4 ans, grâce à ce tableau.
Depuis, il ne se passe pas une soirée sans qu'il ne dévore un livre.
Depuis, il a réalisé son rêve d'être journaliste et ce à même pas 21 ans...
Depuis, malgré ses 26 ans passés, le tableau est toujours dans le placard.
Et Alexandre m'avoue à chaque fois qu'il le voit :
"Il sera la première chose que je prendrais avec moi, le jour où je partirai vivre chez moi, Maman..."

Grande est mon émotion actuellement en vous contant cet instant si puissant pour la mère que je suis, qui a tant galéré avec ses enfants que la société n'épargne toujours pas...

La morale de l'histoire :
Parents, ne couvrez pas vos enfants de cadeaux, laissez plutôt cela aux moments propices, car plus grande en sera la joie de vos bambins!

©Sylvie Barbaroux - le 09 novembre 2010

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